Une pipe sinon rien
Pour
moi, Maigret c'est avant tout le regard clair et la voix grave de
Bruno Crémer. Qui ne connaît pas le commissaire Jules Maigret,
policier bougon à la silhouette massive et à la pipe vissée au
bec? Un peu d'action, beaucoup de
réflexion et de noirceur, c'est ainsi que l'on pourrait résumer, de
manière peut-être simpliste, les enquêtes de Maigret. Le populaire
commissaire est né en 1929 sous la plume du prolifique écrivain
belge Georges Simenon (1903-1989) dont nous aurons l'occasion de
reparler plus en détail. Il fut incarné à l'écran par Jean
Gabin, Jean Richard, et plus récemment Bruno Crémer. Si Maigret est
si populaire, c'est qu'au fond il représente un peu le français
moyen: issu d'une famille de domestiques, natif de l'Allier monté à
Paris, ayant commencé en bas de l'échelle, Maigret est une sorte de
figure paternelle, humaniste et bienveillante, rassurante et
familière. Le chien jaune est sans doute l'une des plus
célèbres enquêtes du commissaire Maigret, que l'on étudie souvent
en cours de français au collège. Austère, déroutante, tragique,
cette histoire dénonce les moeurs parfois dépravées des petits
bourgeois de province.
Terreur à
Concarneau
Concarneau, un soir de
tempête. L'un des plus respectables notables de la bourgade, M.
Mostaguen, quitte l'Hôtel de l' Amiral -où il a ses habitudes avec
ses amis, le journaliste Servières, le vice-consul Le Pommeret et le
docteur Michoux- et rentre chez lui en titubant. Luttant contre la
pluie et le vent pour allumer son cigare, il s'abrite devant le
porche d'une maison abandonnée. Et se fait tirer dessus. Blessé
mais vivant, Mostaguen est conduit à l'hôpital.
Résidant provisoirement à
Rennes, où il a été dépêché pour réorganiser les services, le
commissaire Maigret est chargé de l'enquête. Au bar de l' Amiral,
on n'en mène pas large. Qui pouvait en vouloir à Mostaguen?
Pourquoi a-t-on essayé de le tuer? Que sait vraiment Emma, la
nonchalante serveuse?
Alors que le commissaire
s'entretient avec les notables autour d'un Pernod, Michoux remarque
une substance étrange dans les verres: on a tenté de les
empoisonner!
Tandis que la liste des
questions s'allonge, le docteur Michoux se terre à l' Hôtel de l'
Amiral, Servières disparaît et Le Pommeret est retrouvé mort à
son domicile... et d'autres questions s'ajoutent à la liste: qui a
mis de la strychnine dans les verres de Pernod? D'où sort cet
affreux chien jaune présent sur toutes les scènes de crime? Qui est
ce mystérieux géant qui rôde dans la nuit?
Ancré au bar de l' Amiral
comme une moule à son rocher, fumant pipe sur pipe, Maigret va faire
confiance à son intuition pour démêler les noeuds de cette enquête
provinciale.
Secrets de Province
Comme tous les Maigret, Le
chien jaune, publié en 1931,
se déroule dans une ambiance particulière, presque familière.
Dans une langue directe mais léchée, dépourvue de toute
fioriture, l'auteur campe le décor. Tout commence par une nuit de
tempête, augurant des drames qui vont se produire. D'emblée, nous
entrons dans l'histoire. Dès la page deux, la première victime est
au tapis, le nez dans la boue. C'est ça, la force de Simenon:
plonger le lecteur dans l'histoire dès les premières lignes. En
ouvrant le livre, on ouvre les portes de l'Hôtel de l' Amiral, et on
retrouve ce décor, ces odeurs d'alcool et de tabac, de
transpiration, ces ombres pesantes qui font l'âme des polars.
Évoluant dans cette ambiance, la carrure massive et familière du
commissaire Maigret nous entraîne dans les tréfonds d'une petite
ville de province, disséquant les habitudes des notables locaux
aux moeurs pas toujours reluisantes, explorant les lamentables
penchants de la nature humaine. Ici, Concarneau devient le lieu
d'une enquête oppressante, étouffante, presque un huis-clos. A tel
point que Le chien jaune serait très aisément adaptable en
pièce de théâtre.
L'enquête, relativement
classique mais complexe, ne laissera que peu de répit aux neurones
du lecteur. Le chien jaune, c'est
donc du pur polar à l'ancienne, du pur Maigret, une histoire
attachante tant par sa noirceur que par l'humanité qu'elle dégage,
et c'est pourquoi, si vous ne l'avez déjà lu, je vous conseille
vivement de vous le procurer.
Haedrich
J’aime bien votre revue et j’en suis accord avec la plupart. L’enquête serait « classique » sauf pour l’absence de Mme Maigret et d’un associé comme Lucas, Janvier ou Lapointe à ses côtés. Merci !
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire. Effectivement, les adjoints habituels de Maigret ne sont pas présents dans cette histoire, mais il peut compter sur la fougue du jeune inspecteur Leroy.
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