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samedi 15 novembre 2014

Georges Simenon, Le chien jaune (Maigret)



Une pipe sinon rien

Pour moi, Maigret c'est avant tout le regard clair et la voix grave de Bruno Crémer. Qui ne connaît pas le commissaire Jules Maigret, policier bougon à la silhouette massive et à la pipe vissée au bec? Un peu d'action, beaucoup de réflexion et de noirceur, c'est ainsi que l'on pourrait résumer, de manière peut-être simpliste, les enquêtes de Maigret. Le populaire commissaire est né en 1929 sous la plume du prolifique écrivain belge Georges Simenon (1903-1989) dont nous aurons l'occasion de reparler plus en détail. Il fut incarné à l'écran par Jean Gabin, Jean Richard, et plus récemment Bruno Crémer. Si Maigret est si populaire, c'est qu'au fond il représente un peu le français moyen: issu d'une famille de domestiques, natif de l'Allier monté à Paris, ayant commencé en bas de l'échelle, Maigret est une sorte de figure paternelle, humaniste et bienveillante, rassurante et familière. Le chien jaune est sans doute l'une des plus célèbres enquêtes du commissaire Maigret, que l'on étudie souvent en cours de français au collège. Austère, déroutante, tragique, cette histoire dénonce les moeurs parfois dépravées des petits bourgeois de province.



Terreur à Concarneau

Concarneau, un soir de tempête. L'un des plus respectables notables de la bourgade, M. Mostaguen, quitte l'Hôtel de l' Amiral -où il a ses habitudes avec ses amis, le journaliste Servières, le vice-consul Le Pommeret et le docteur Michoux- et rentre chez lui en titubant. Luttant contre la pluie et le vent pour allumer son cigare, il s'abrite devant le porche d'une maison abandonnée. Et se fait tirer dessus. Blessé mais vivant, Mostaguen est conduit à l'hôpital.

Résidant provisoirement à Rennes, où il a été dépêché pour réorganiser les services, le commissaire Maigret est chargé de l'enquête. Au bar de l' Amiral, on n'en mène pas large. Qui pouvait en vouloir à Mostaguen? Pourquoi a-t-on essayé de le tuer? Que sait vraiment Emma, la nonchalante serveuse?
Alors que le commissaire s'entretient avec les notables autour d'un Pernod, Michoux remarque une substance étrange dans les verres: on a tenté de les empoisonner!

Tandis que la liste des questions s'allonge, le docteur Michoux se terre à l' Hôtel de l' Amiral, Servières disparaît et Le Pommeret est retrouvé mort à son domicile... et d'autres questions s'ajoutent à la liste: qui a mis de la strychnine dans les verres de Pernod? D'où sort cet affreux chien jaune présent sur toutes les scènes de crime? Qui est ce mystérieux géant qui rôde dans la nuit?
Ancré au bar de l' Amiral comme une moule à son rocher, fumant pipe sur pipe, Maigret va faire confiance à son intuition pour démêler les noeuds de cette enquête provinciale.



Secrets de Province

Comme tous les Maigret, Le chien jaune, publié en 1931, se déroule dans une ambiance particulière, presque familière. Dans une langue directe mais léchée, dépourvue de toute fioriture, l'auteur campe le décor. Tout commence par une nuit de tempête, augurant des drames qui vont se produire. D'emblée, nous entrons dans l'histoire. Dès la page deux, la première victime est au tapis, le nez dans la boue. C'est ça, la force de Simenon: plonger le lecteur dans l'histoire dès les premières lignes. En ouvrant le livre, on ouvre les portes de l'Hôtel de l' Amiral, et on retrouve ce décor, ces odeurs d'alcool et de tabac, de transpiration, ces ombres pesantes qui font l'âme des polars.
Évoluant dans cette ambiance, la carrure massive et familière du commissaire Maigret nous entraîne dans les tréfonds d'une petite ville de province, disséquant les habitudes des notables locaux aux moeurs pas toujours reluisantes, explorant les lamentables penchants de la nature humaine. Ici, Concarneau devient le lieu d'une enquête oppressante, étouffante, presque un huis-clos. A tel point que Le chien jaune serait très aisément adaptable en pièce de théâtre.
L'enquête, relativement classique mais complexe, ne laissera que peu de répit aux neurones du lecteur. Le chien jaune, c'est donc du pur polar à l'ancienne, du pur Maigret, une histoire attachante tant par sa noirceur que par l'humanité qu'elle dégage, et c'est pourquoi, si vous ne l'avez déjà lu, je vous conseille vivement de vous le procurer. 

Haedrich  

2 commentaires:

  1. J’aime bien votre revue et j’en suis accord avec la plupart. L’enquête serait « classique » sauf pour l’absence de Mme Maigret et d’un associé comme Lucas, Janvier ou Lapointe à ses côtés. Merci !

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  2. Merci pour votre commentaire. Effectivement, les adjoints habituels de Maigret ne sont pas présents dans cette histoire, mais il peut compter sur la fougue du jeune inspecteur Leroy.

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