Roman épicurien
Qui ne souvient pas, étant enfant, du
film La soupe aux choux? Des mimiques d'un Louis de Funès
ébouriffé, des cris de dindons d'un Jacques Villeret en pyjama
jaune, de son générique de fin angoissant? Film épicurien par
excellence, La soupe aux choux était à l'origine un roman de
l'inénarrable René Fallet. Cet auteur truculent et injustement
méconnu est sans doute familier des cinéphiles avertis (et âgés)
: Les vieux de la vieille? C'est lui. Le triporteur?
C'est lui. Un idiot à Paris? C'est encore lui.
René Fallet est né à Paris en 1927,
d'un père cheminot originaire de l'Allier. Il était journaliste et
écrivain, et fut un grand ami de Georges Brassens. De son propre
aveu, l'auteur bourbonnais puisait son inspiration principalement
dans l'alcool.
Druides de la chopine.
Au hameau des Gourdiflots, patelin
perdu et déclinant du Bourbonnais (ici, on n'accepte toujours pas
l'appellation "Allier", pourtant officiellement adoptée en
1790) Francis Chérasse, dit "le Bombé" (eu égard à sa
bosse) et Claude Ratinier, dit "Le Glaude" sont voisins
depuis des lustres.
Depuis qu'ils sont à la retraite, leur
quotidien est fait de bon temps passé ensemble, de jardinage, et de
pinard. Surtout de pinard.
Un soir, une soucoupe volante atterrit
dans le champ du Glaude. En sort un extra-terrestre amical, plutôt
rondouillard et qui s'exprime en poussant des cris de dindon. Le
Glaude sympathise avec l'alien, qu'il surnomme affectueusement "La
denrée". Il lui offre un bol de soupe aux choux, que ce dernier
apprécie tellement qu'il souhaite en ramener un échantillon sur sa
planète. Le Bombé de son côté a aperçu la soucoupe et pousse de
hauts cris. Le Glaude lui rétorque qu'il n'a rien vu et qu'il
devient fou.
Lorsque Chérasse file à la
gendarmerie pour apporter son témoignage, il se fait tancer
vertement. Et toute la population le prend alors pour un "bredin"
(c'est ainsi que l'on appelle les illuminés dans le Bourbonnais).
Son amitié avec le Glaude est mise à rude épreuve. Déprimé, le
Bombé boude dans son coin. Il fait même une tentative de suicide.
De son côté, le Glaude reçoit de
fréquentes visites de la denrée, qui est devenu son ami. Ce dernier
apprécie le Glaude, qui lui a fait découvrir les plaisirs de la
vie, une notion totalement inconnue sur la planète de la denrée.
Pour le remercier, la denrée ressuscite sa femme, la Francine. Mais
cette réapparition de sa défunte épouse va causer au Glaude plus
de soucis que de bonheurs...
Une oeuvre culte
La soupe aux choux demeure certainement
l'histoire la plus connue de Fallet. Truculent, hilarant mais parfois
tendre, ce roman, qui mêle humour, cocasserie, tendresse et cruauté
ne vous laissera pas indifférent. René Fallet est mort en 1983 mais
les répliques cultes de son roman sont encore célèbres
aujourd'hui, et les multiples rediffusions de l'adaptation
cinématographique de Jean Girault n'entament en rien son succès. Comme le pinard,
la soupe aux choux peut se consommer sans modération, car elle fait
du bien à la santé et au moral.
Et si la recette du
bonheur était aussi simple à préparer qu'une délicieuse soupe aux
choux? Accompagnée d'une bonne chopine de vin rouge, cela va de soi.
Dessert
Pour vous allécher, voici les premiers
mots du roman, en guise de dessert:
" Au village, sans prétention, il
n'y avait plus rien. Le four du boulanger s'était refroidi en même
temps que le boulanger, qui ne cuisait plus ses couronnes qu'au
cimetière (...) Au village, en outre, il n'y avait plus d'idiot du
village. Dès qu'ils manifestaient leurs talents, on les ramassait
comme des petits-gris pour les enfermer à l'asile psychiatrique d'
Yzeure (...) Il subsistait encore, vaille que vaille, au hameau des
Gourdiflots, deux "exotiques" comme on les désignait, deux
fossiles de la plus belle eau (...) le premier (...) de ces deux
druides de la chopine s'appelait Francis Chérasse dit "Cicisse",
dit " Le Bombé", vu qu'il était un tout petit chouilla
bossu sur les bords et aux entournures. Le second, c'était Claude
Ratinier, dit "Le Glaude", comme on prononçait par chez
lui."
René Fallet, La soupe aux choux,
éditions Denoël, 1980.
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